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Peinture Le masque

 

Devant le miroir, je vois bien une face, tant que je ne fais pas la grimace. Je vois le livre de ma vie, comme étranger, joie de vivre et souffrances qui est malheur à ma porte. Une face sombre, cachée qui veut prendre toute la place. Je ne peux plus me regarder... Mon âme se ronge. J'ai mon coeur tout aimant et son reflet qui est son opposé. Une vie inversée, un monde d'inversion. Entre ange et démon, comment me recoler les morceaux du double sens de mon être. Un équilibre rompu, une vie corrompue, dont je dois choisir la finalité. Mak © copyright 

 

Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l’ondulation de ce corps musculeux
L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.

- Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
« La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne ! »
À cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.

Ô blasphème de l’art ! ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !

- Mais non ! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d’une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l’abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux ;
Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !

- Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?

- Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu !
Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux,
C’est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! - comme nous !
    
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal    

 

 

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